Georges THIBAUT (1887-1940)

L'Association de Radiophonie du Nord

ARN :  Sa création   Son organisation    La commission propagande   Son évolution
Astronomie radiophonie

Sa créationVers le haut de la page

De nombreux radio-club se créent dans le but d'éduquer les amateurs de télégraphie sans fil à fabriquer leur poste récepteur, à construire leur antenne, en un mot à apprendre les mystères de la T.S.F.. Leur organe de liaison est le journal La radio du nord regroupant le radio-club de Lille, le radio-club du nord de la France à Roubaix, ceux de Tourcoing et Raismes ainsi que la fédération des radio-clubs de la région du nord.

C'est l'époque des rallyes radio-cyclistes. Chaque concurrent part en vélo avec son matériel de réception. A une heure déterminée, il doit se mettre à l'écoute d'un poste qui émet en donnant des renseignements sur le prochain point de contrôle. Le problème réside dans le fait qu`à l'époque, il faut monter une antenne, brancher une prise de terre ; le transistor n'est pas encore inventé.

Parallèlement dès 1925, M. Coupleux, indicatif Radio Flandre 8EC, installé à la salle Aeolian rue Esquermoise, émet sur la longueur d'onde de 400 m. Le radio-club de Lille commence sur 250 m des émissions réussies.

L'engrenage de la radiodiffusion est créé. Il ne reste plus qu`à obtenir un émetteur.

C'est ce qu'entreprend Albert d'Halluin, premier fondateur de l'Association de Radiophonie du Nord, et qui selon les termes de cette dernière use de son influence auprès de son vieil ami Deletête chef à l'administration des P.T.T. pour faire installer un émetteur à Lille. (Conseiller d'État, Secrétaire Général des Postes et Télégraphes).

Dans ce but est créé une association provisoire dont le siège est 22, rue Jean Bart sous la présidence d'Hector Franchomme, président de l'association des ingénieurs du Nord.

Finalement l'association des auditeurs se constitue de manière définitive le 23 mai 1927.

Il est formé entre corps constitués, sociétés, groupements, entreprises et particuliers, amis des auditions radio téléphoniques de la station des Postes et Télégraphes de Lille, adhérant aux présents statuts, une Association déclarée dont le siège social est au monument historique dénommé Porte de Paris.

Elle prend le nom “Association de Radiophonie du Nord de la France”.

L'objet de l'association est d'apporter son concours à la Radiodiffusion des P.T.T. à Lille, de contribuer à son utilisation la plus large pour des fins d'information, de diffusion artistique, instructive, éducative, récréative, intellectuelle, économique, régionale, en ayant toujours en vue l'intérêt général.

Elle ne devra en aucun cas s'occuper de politique et de religion, et devra se conformer aux règlements et instructions donnés à la station.

Son premier bureau et son premier comité sont ainsi Constitués :

Membres du Comité : Ernest Couteaux député, Amaury de la Grange conseiller général, Hector conseiller d'arrondissement, Willems adjoint au Maire, Amédée Bernast président de la Fédération des Radio-clubs, Léonard Bigo, Léon Coupleux, Creteux, Paul Declerck, Dezaeytydt, Flayelle, Golembiowski, Raymond Rajat, Jules Scalabre, Georges Thibaut Voir généalogie , et deux représentants de la Presse. Dauvin ingénieur en chef et Plouviet sont de droit dans le comité en tant que représentants des P.T.T..

Dès sa constitution l'ARN reçoit 24 000 frs de subvention de la part de la ville de Lille ; 5 000 frs du Conseil Général ; 500 frs de la petite commune de Bousies pour mettre en état les locaux de la Porte de Paris que l'association reçoit de la municipalité Lilloise.

Son organisationVers le haut de la page

L'ARN est une association type loi de 1901 dont l'existence légale repose sur des statuts, un conseil d'administration et un bureau. Avec le temps les statuts de 1927 deviennent désuets. En mai 1931 de nouveaux statuts sont rédigés et transmis au ministère de tutelle, lequel sursoit à sa réponse jusqu'au décret du 10 août 1933 (décret Laurent Eynac). Ce décret cherche à définir le régime des stations régionales en imposant un statut type aux associations sous peine de perde la nature de leur objet, c'est à dire la gestion artistique des stations. Ce décret implique une administration tripartite composée également de représentants des services publics, de représentants de diverses collectivités et des auditeurs acquittant la taxe et cotisant à association de radiophonie.

C'est ainsi que le 30 octobre 1933 les nouveaux statuts sont approuvés par le Ministre (J. Mistler) Le 20 novembre 1933 un autre décret (Mistler) crée un comité de coordination pour les émissions nationales et un comité des informations qui est composé par arrêté du 29 janvier 1934. Le 1er juillet 1931 un nouvel arrêté réglemente la comptabilité des associations (Mallarmé) quand les 12 et 15 octobre de nouveaux décrets sont pris “ dans le but d'un besoin d'ordre et de clarté ” (sic). Une fois de plus l'ARN doit se plier à la réglementation jusqu'aux décrets du 13 février 1935 (G. Mandel) et du 23 mars (spécifique à Lille) créant les conseils de gérance. Puis le 27 octobre 1936 les décrets Jardillier annulent ceux de Mandel au profit d'une nouvelle réglementation. Celle-ci sera valable jusqu'à la nationalisation de la radio-diflusion.

Outre ses statuts légaux l'association est créée pour organiser des émissions. Le conseil d'administration se réunit tous les mois, prend connaissance du travail du bureau, prend connaissance de la situation générale, examine les questions pendantes et donne des directives pour les réalisations prévues.

Le conseil délègue ses pouvoirs à un bureau restreint qui se réunit toutes les semaines et qui administre toute l'association en dehors des réunions du conseil. De plus au sein du conseil sont créées différentes commissions dont les principales sont celles celles des programmes et de propagande. Cette organisation sera valable jusqu à la création des conseils de gérance.

La commission de propagandeVers le haut de la page

Une association ne peut progresser que si le nombre de ses adhérents augmente. Les fonds sont directement proportionnels au nombre de cotisants et permettent d'améliorer la qualité des programmes, de recruter des artistes. Seulement il ne suffit pas de demander aux gens d'adhérer pour que cela s'effectue aussi simplement. Il faut une organisation ; c'est chose faite avec la commission de propagande. Le recrutement se fait d'appels lancés au micro à des intervalles irréguliers, ainsi qu'à l'occasion d'expositions, de foires. Les résultats sont malgré tout insuffisants. En février 1930 est instituée la chronique “ En Famille ” courte causerie de sept à huit minutes le jeudi à 21h. Sous le nom de chroniqueur Georges Thibaut Voir généalogie d'Haubourdin donne des renseignements sur l'association, parle des émissions passées, futures, réplique à des suggestions, répond au courrier.

Les critiques ou les approbations se croisent. Il s'applique de manière grave, plaisante ou sévère à faire pénétrer dans l'esprit de ceux qui écoutent l'idée qu'il faut adhérer à l'association, et le miracle s'opère en 1932 : 15 000 en janvier, 20 000 en avril, 25 000 en juin, 30 000 en septembre, 40 000 mi-décembre pour finalement en comporter 93 000 fin décembre.

L'adhésion à l'ARN donne droit aussi à un certain nombre d'avantages :

Un autre moyen d'attirer les adhésions consiste à donner de grandes émissions publiques comme celles pour le 15 000ème membre à l'hippodrome de Lille (il fallut 3 représentations pour satisfaire tous les membres) ; à créer des journées de propagande dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais. La commission se charge d'organiser les stands que l'ARN présente aux différentes expositions, décide la création d'un insigne pour permettre à ses membres de se reconnaître. Le nombre important de membres est dû aussi à la création des Friquets.

Les enfants dont les parents sont adhérents à l'ARN, qui ont moins de 13 ans peuvent devenir adhérent-friquet. Ils sont considérés comme membres de l'ARN mais ne reçoivent pas le journal ni ne participent au tirage des primes. Par contre ils ont droit à assister aux Matinées Enfantines, ainsi qu'au tirage mensuel d'une grande tombola de jouets. C'est le secret du grand nombre d'adhérents que d'associer l'adhésion des enfants à celle des parents.

Son évolutionVers le haut de la page

La progression des adhérents de l'association de radiophonie du Nord est continuelle jusque 1935, c'est-à-dire jusqu'à la création des conseils de gérance :

3 mai 1927
1er janvier 1929
1er janvier 1930
1er janvier 1931
1er janvier 1932
1er janvier 1933
40
3 900
6 604
10 650
15 051
43 000
  1er janvier 1934
1er janvier 1935
1er janvier 1959
1er janvier 1975
1er janvier 1983
1er janvier 1986
50 889
59 000
28 000
33 000
2 000
2 000

Ces conseils marqueront l'apogée de l'association. Un certain nombre de ses adhérents sont désemparés, l'influence de l'association ne peut plus être aussi forte qu'avant, une grande partie de ses membres désertent. La nationalisation, et la guerre feront le reste.

Astronomie et radiophonieVers le haut de la page

L'originalité ne manque pas, Monsieur Thibaut Voir généalogie outre ses dons reconnus comme chroniqueur, est aussi un passionné d'astronomie. Sur le toit de sa maison, il a construit lui-même (c'est un entrepreneur de maçonnerie) une coupole d'observation en béton armé (d'une seule pièce) reposant sur des galets d'acier. (Cette coupole existe encore aujourd'hui au 16 bis, rue du Maréchal Foch à Haubourdin). Quoi de plus normal, lors d'une éclipse de soleil, en juin 1927, de procéder à un radioreportage.

C'est ce qui fut tenté comme le décrit l'intéressé lui-même :

L'instrument employé permettait de faire des observations assez précises, et les auditeurs de la station de Lille auraient pu être informée instantanément du moment précis où le bord de la lune aurait commencé à échancrer le soleil. La description du phénomène aurait pu être faite au fur et à mesure qu'il se déroulait, et, en même temps pouvaient être données à l'auditoire des indications sur les causes des éclipses : en un mot, un cours pratique d'astronomie élémentaire, avec expérience.

Les dispositions furent prises, le matériel amené sur place, I'émission annoncée et au moment voulu... de magnifiques nuages - aussi magnifiques qu'indésirables - vinrent couvrir le ciel et rendirent la vue du phénomène totalement impossible. Le reporter d'occasion dut se contenter, faute de mieux, d'expliquer aux personnes qui l'écoutaient ce qui se passait là, quelque part derrière les nuées, mais qu'il ne voyait pas.

Alphonse Daudet avait certainement dû penser à lui en décrivant ce guide qui, du sommet du Righi, fait admirer à Tartarin le lever du soleil derrière un épais brouillard Les auditeurs de “Radio-P.T.T.-Nord” ce soir-là, en furent quittes pour absorber une causerie destinée à leur faire prendre patience, mais l'éclipse demeura impénétrablement invisible. Nullement découragés par cet essai infructueux, depuis ce temps là, à trois reprises, on replaça le micro sous la coupole de l'observatoire, cette fois pour des éclipses de lune. La lune a parfois des délicatesses qu'ignore le roi de la lumière... Hélas ! Trois fois on joua de malheur ! La première tentative se signala par un temps obstinément couvert et, du coup, le reporter en resta muet, I'émission n'eut pas lieu.

La seconde se passa aussi par un temps couvert, mais avec éclaircies intermittentes. Durant trois quarts d'heure, ce furent explications sur explications, descriptions du phénomène éventuel, le tout en attendant l'éclaircie espérée ; mais le train des nuages roulait, roulait toujours ! ... De guerre lasse, on termine l'émission, on remballe le micro et l'amplificateur... et naturellement, une demi-heure plus tard surgit Mme la Lune, encore à l'état d'éclipse et contemplant d'un air narquois le pauvre reporter qui pouvait peut-être parler, mais qui n'avait plus le micro pour se faire entendre.

La troisième et dernière émission eut lieu le 14 septembre. Les nuages opérèrent cette fois avec raffinement de cruauté : le temps fut couvert, clair joli, lumineux, à peu près partout, sauf à l'endroit ou se trouvaient lunette et micro, point d'élection ou le ciel demeurant obstinément ennuagé. Et voici comment on manque une émission astronomique.

Source : Texte et photos tirés du livre "La T.S.F. des années folles 1919-1939"