6 - 1822, Naissance de la commune de Mametz

Et nous voici, sous la Restauration, devenus sujets de LOUIS XVIII. A cette époque s'inscrit une page déterminante de notre histoire locale. En effet, par Ordonnance Royale du 20 mars 1822, voilà nos trois communes réunies, à leur demande, en une Commune unique qui prend le nom de COMMUNE DE MAMETZ (avec trois sections qui restent, Mametz, Marthes et Crecques). Quelles sont les raisons qui ont poussé à la création de cette Communauté de Communes près de deux cents ans avant que cela ne devienne à la mode ? ... On ne le sait pas avec certitude. Les problèmes financiers semblent exclus puisque chaque village apporte en dot des biens communaux non négligeables (encore que Crecques prétendait et prétend encore à certains jours, être le meilleur parti...). Il s'agit peut-être du manque d'enthousiasme de quelques-uns à vouloir endosser les charges communales qui, à l'époque, engendrent plus de tracas que d'avantages. On peut penser aussi que les édiles qui appartiennent, à l'évidence, à quelques famines prépondérantes, sont liés par le sang ou par les mariages dans les trois communes et que tous les moyens sont bons pour rapprocher les affinités et aussi les héritages. Quoi qu'il en soit, voilà nos communes mariées, pour le meilleur et pour le pire...Mariage d'amour ou mariage de raison, ce sera, de toute façon, un mariage à trois, ce qui veut dire qu'il faudra composer avec les sensibilités bien spécifiques des uns et des autres et essayer de tirer le meilleur parti d'une situation qui se révélera bien vite plutôt inconfortable et semée d'embûches.

Mais, et il faut le dire bien haut, c'est tout à l'honneur de nos ancêtres d'avoir réussi à faire de ce mariage hors normes, une union solide et durable qui, malgré quelques tentatives de divorce de la part de Crecques et la persistance d'un esprit de clocher chez certains (qui, Dieu merci, va en s'amenuisant) a résisté, a su se consolider et faire, aujourd'hui, notre fierté à tous.

La tâche n'était pourtant pas facile car les textes de l'ordonnance, toute Royale qu'elle fût, étaient remarquables d'imprécision, à part sur l'avantage accordé à chaque section, de conserver l'usage de ses biens propres. Eh bien, tout cela n'a pas si mal marché. Tacitement, la population, jusqu'à ces dernières années, a respecté une coutume qui voulait que le Conseil Municipal soit composé de membres régulièrement répartis entre les trois sections et, s'il était généralement admis que le Maire fut un habitant de Mametz, il y eut quelques entorses qui ne déclenchèrent pas de révolution.

Les avoirs de la communauté ont été gérés et défendus avec impartialité par les représentants respectifs. Et tous les élus ont, pendant près de cent ans, fait bloc derrière les conseillers de Crecques pendant l'interminable conflit qui a opposé Crecques à Rebecques pour la possession de bien indivis aux Etiais. Conflit qui s'est terminé par un jugement à la Salomon, qui n'a semble t'il pas suscité l'enthousiasme, mais qui a mis fin au début de ce siècle, aux querelles inter villages qui ne rendaient service à personne.

Du XIXème siècle, on peut retenir qu'il a vu grandir et prospérer notre Commune L'habitat s'est étendu progressivement en remontant la vallée sur la rive droite de la Lys pour se grouper le long du chemin de grande communication (devenu le C.D. 157) qui reliait désormais Aire à Thérouanne, évitant le détour par Glomenghem. Les routes, les ponts se sont créés ou aménagés, (notamment le pont de Crecques et celui de Mametz, sur la Lys, celui-ci ayant fait l'objet d'une longue polémique entre le propriétaire du château, celui du moulin et les gens de Mametz qui menaient leurs bêtes à l'abreuvoir...). Un peu plus tard, le Chemin de Fer d'intérêt Local d'Aire à Berck a permis au “ tortillard ” qui traversait la plaine, soufflant et crachotant, de déposer les voyageurs intrépides à la Gare de Mametz ou à la Halte de Crecques.

Ainsi, le village a pris, peu à peu, le visage que nous lui connaissons, mais il faudra attendre encore de longues années pour que les constructions commencent à remplir l'espace vide entre les trois agglomérations. Si Marthes a gardé, même encore aujourd'hui, un caractère nettement agricole, si Crecques a été longtemps le siège de grosses fermes, la situation de Mametz était différente, en raison probablement de sa superficie moins riche en espaces cultivables (les terres des cultivateurs mametziens se trouvaient en majeure partie sur Aire, entre la limite des deux Communes, (les chemins du Bosquet et de la Fosse), et le haut du “ Gris-Monts ”, là ou la voie ferrée traversait la départementale. Les possibilités de travail salarié offertes par les Mines, l'Usine d'lsbergues, la Céramique d'Aire etc… attirèrent bien vite la main d'œuvre masculine en améliorant le niveau de vie. Les filles, elles, partirent “ servir ” en maison bourgeoise, souvent dans l'agglomération lilloise où la “ noblesse du fil à coudre ” offrait de nombreux débouchés. Et pourquoi ne pas rappeler qu'une jeune fille de MAMETZ était, en 1848, au service de Monseigneur AFFRE, l'Archevêque de Paris qui fut tué sur les barricades... Elle s'appelait Alexandrine GOZET... Que, plus récemment, un autre enfant de la Commune, un créquois, Pierre GOZET, fut lui aussi, pendant de longues années au service du Cardinal FELTIN, Archevêque de Paris, après avoir été le valet de chambre de Monseigneur DUTOIT, Évêque d'Arras...

Mais revenons à notre village où la vie continue...

La “ petite culture ”, peu viable, survécut jusqu'après la dernière guerre, l'épouse ayant la charge du bétail, de quelques travaux dans les champs, voire de la conduite du cheval. On peut d'ailleurs noter au passage le rôle joué dans cet état de choses par la betterave sucrière dite “ betterave riche ” dont la culture, principalement entre les deux guerres, fut une source de revenus appréciables, même si les façons culturales de l'époque obligeaient toute la main d'œuvre familiale à participer aux travaux des champs. Une autre culture, bien spécifique MAMETZ, celle du tabac s'est maintenue jusqu'aux années 50, perpétuant la tradition médiévale et occupant les gens “ à domicile ” pendant que d'autres, chez eux également, fabriquaient des brosses pour les marchands du chef-lieu.

Donc, depuis 1822, la Mairie se trouve à MAMETZ. Le secrétariat de la mairie est assuré, par l'instituteur (jusqu'en 1954), dans un petit local qui jouxte l'école des garçons, construite vers 1875, En effet, une école s'est rapidement ouverte à Mametz et à Crecques, dans des locaux de fortune puisque le 1er mai 1841 le Conseil Municipal nomme M. PHILIPPE, instituteur en remplacement de M. DELVART, révoqué de ses fonctions par le Comité Supérieur de l'instruction de Saint Omer. M. PHILIPPE est élève de l'École Normale de Douai et porteur d'un Brevet Supérieur. Il y a 30 élèves à Mametz, 23 à Marthes et 25 à Crecques et les filles sont soigneusement séparées des garçons… Les parents paient une rétribution mensuelle de 5 centimes pour l'enfant qui apprend ses lettres, 75 centimes pour ceux qui commencent à lire et I franc pour les élèves plus avancés. Tout ceci amènera la construction de deux écoles à Mametz (une de garçons et une de filles) et d'une école à Crecques. Par contre, les enfants de Marthes parcourront matin, midi et soir, le sentier “ derrière Marthes ” pour venir à l'école et au catéchisme à Mametz. Ceci leur faisait une longue journée émaillée, en hiver de quelques glissades sur la “ grioloire ” d'une pâture gelée, de quelques niches au passage et surtout d'une bonne humeur générale.

Sur le plan religieux, depuis la Révolution, le Curé de Mametz est aussi chargé de la paroisse de Marthes (sauf une exception de courte durée). Crecques, parfois confié à Mametz se voit enfin doté d'un Curé (qui, plus tard administrera aussi Rebecques). La vie religieuse semble être peu fertile en grands événements, pourtant elle est au centre de la vie festive qui s'articule autour des feintes carillonnées. A Mametz, la Neuvaine en l'honneur de Notre-Dame de BRUCHINE débute le jour de la Ducasse qui coïncide avec la Fête de la Nativité de la Vierge, une Vierge que l'on invoque tout particulièrement pour les femmes en couches et les jeunes enfants. Une grande reproduction d'une Vierge de Murillo accrochée dans la tribune de l'église de Mametz porte l'inscription “ offert par l'Empereur ”. Pouvons-nous y voir une allusion à la visite que fit Napoléon III vers 1853 à la ville d'Aire ? Et, en ce cas, pourquoi ce tableau n'aurait-il pas brûlé lors de l'incendie de la nef dans la seconde moitié du siècle ? ...On ne sait pas...

Mais, nos villages, notre village vit... de nombreux commerces (que de cabaretiers... que de cordonniers...) ( 7 ) fleurissent le long des rues et les fêtes locales “ tournent ” avec régularité, multipliant par trois les ducasses, raccrocs, geais, et par deux les communions solennelles.

 
Mametz
Marthes
Crecques
Le Geai 3ème dimanche après Pâques Ascension Pentecôte
La ducasse 2ème dimanche de septembre 1er dimanche de septembre 3ème dimanche de septembre
Le raccroc 3ème dimanche après la ducasse 4ème dimanche après la ducasse 1er dimanche après la ducasse
Les communions Dimanche de la Trinité Dimanche de la Trinité Pentecôte
La neuvaine à N. D. de Bruchine Débute le jour de la ducasse    
Les bals Dimanche du geai - dimanche, lundi de ducasse (midi et soir) - mardi de ducasse (bal masqué) - mi-carême - jour du Nouvel An Jeudi du geai - dimanche et lundi de ducasse Dimanche du geai - dimanche et lundi de ducasse

Nous sommes riches également d'un nombre impressionnant d'artisans, en particulier de maçons, de couvreurs, de menuisiers qui portent loin la réputation de Mametz. Les premières sociétés locales (Pompiers, Tir, Chasse...) voient le jour. Pendant tout le XIXème siècle, et le début du XXème la Commune a beaucoup construit : outre les écoles et leurs logements, on a aménagé un local pour un bureau de poste, on a clôturé les trois cimetières, on a élevé un clocher sur l'église de Marthes, on a construit un presbytère à Crecques et on a réédifie la nef de l'église de Mametz, bref, on n'a pas lésiné sur la dépense alors que la Loi de Séparation de l'Église et de l'État n'est pas encore votée. (Une commune trois clochers )