4 - Après l'époque médiévale jusqu'à la Révolution

Après une courte période de paix relative, le règne de LOUIS XIV, qui veut reconquérir les anciens fiefs, ramène une guerre destructrice ( 3 ). Le siège d'Aire, en juillet 1676, plonge la ville dans la terreur . Les dégâts sont énormes du fait de l'expérimentation par LOUVOIS, de nouveaux boulets explosifs. Faut-il situer à ce moment la destruction du Château de MAMETZ (Chateau de Mametz) et de celui de MAUBUS, comme on pourrait penser que celui de CRECQUES n'a pas survécu à la bataille de GUINEGATTE ou au siège de THEROUANNE ? ... Hélas... aucun document connu ne nous permet de l'affirmer.

Sur l'aspect de nos villages vers l'an 1600, par contre, nous pouvons être d'une précision remarquable grâce aux documents exceptionnels que sont les gravures des Albums du Duc Charles de CROY. La Famille de CROY possédait, à cette époque, quasi tous les fiefs de notre région ainsi que ceux du Hainaut et du comté de Namur. Le Duc a fait exécuter des gouaches et des aquarelles extrêmement précises et détaillées de chacune de ses possessions : villes, villages, abbayes, couvents et même rivières (voir ).

En sommeil pendant plusieurs siècles, ces précieux documents ont été édités récemment grâce au Conseil Régional et au Crédit Communal de Belgique, avec des commentaires du professeur Roger BERGER (originaire d'Aire) et grâce à qui nous avons pu essayer de donner un visage d'époque aux trois fleurons de notre couronne ( 4 ). Si vous le voulez bien, nous allons les examiner successivement :

MAMETZ : c'est déjà à l'aide de la planche 37 du volume XXII (Comté d'Artois VI - Mametz) que j'avais essayé de vous décrire, il y a quelques années ( 5 ), l'imposant château médiéval campé sur la rive droite de la Lys, à l'emplacement de la bâtisse que nous connaissons et qui date du XIXème siècle. Sur ce document, l'église, juchée sur une butte, est construite à sa place actuelle. Elle a déjà un clocher porche et son beau chœur du XVIème ; (nous savons que, depuis, la nef a été détruite à deux reprises par des incendies, la dernière réfection est tout juste centenaire). L'habitat, qui semble assez dense, est fortement groupé, depuis les murailles du Château jusqu'à l'église et se prolonge vers le Moulin, sur la Lys. Les hauteurs sont abondamment boisées et forment un véritable écrin de verdure à notre village.

MARTHES: (planche 38). Le village a été dessiné à partir du chemin qui vient de Blessy. L'habitat est plus cossu, plus dispersé aussi, ce qui correspond à la variété des terrains exposés : labours, prairies et bouquets d'arbustes. L'église se situe à l'extrémité droite. Elle possède déjà une tour coiffée d'ardoises, une nef avec trois fenêtres en briques, couverte de tuiles. Le chevet est plat, percé d'une fenêtre et le chœur est très petit et très bas. Une maison plus importante que les autres est mise en relief entre l'église et l'actuel Rietz. Également couverte en tuiles, elle est entourée de ses dépendances. C'est la maison du Bailli du Seigneur de Mametz, comme cela est inscrit à la base du dessin : “ Maison du Bailli de BROQUEVILLE ” (Patronyme très courant dans la région).

CRECQUES(planche 40). En cartouche : “ CRESQUES ” Au bas de la miniature : “ Maison PATlGNY ”. La vue est prise du nord-ouest. Sur la Lys, tourne un moulin dont on distingue nettement la roue à aubes et la maison. Il n'y a pas encore de pont sur la rivière. Le village dont l'axe principal est formé par les actuelles rues de l'Anglet et Saint Honoré, est composé de chaumières dont le nombre correspond à peu près aux 25 foyers que l'agglomération pouvait comporter en ce début du XVIIème siècle. L'église Saint Honoré est un curieux édifice : une première nef de deux travées et une autre nef faite d'un vaisseau plus élevé que le précédent, comportant une chapelle perpendiculaire à l'axe. Le chœur est plus bas que ce second vaisseau mais plus élevé que le premier. Il est certain que ce monument a subi, depuis, de profondes modifications. En relief, un manoir de briques couvert de tuiles qu'on peut situer approximativement à droite de l'église et en remontant vers ce qui est, aujourd'hui, la Grande Rue. Il comporte un corps de logis de deux niveaux, deux travées de longueur, une tour de trois niveaux à pignons à pas-de-moineaux sommés d'étendards. C'est, selon la légende, la maison d'un certain PATIGNY dont on peut penser qu'il était le Bailli des CROY. Dans l'album XXIV, FLEUVES ET RIVIÈRES 1, planche 40, on peut voir un autre moulin, dit “ LE TORDOIR ” ou moulin à huile que la notice dit ne savoir où placer actuellement, mais ce tordoir dont la disparition n'est pas si ancienne, se trouvait sur la Lys, à l'extrémité du Chemin du Vieux Moulin, à la sortie de Crecques, en direction de Mametz.

Ces descriptions situent donc, avant la Révolution, nos villages de Mametz et Crecques sur la rive droite de la Lys et Marthes, plus au sud, sur la rive gauche de l'IEAUWETTE, à proximité de leurs châteaux (mais seul, celui de Mametz a pu être bien repéré ; de ceux de Crecques et Marthes, nous ne savons pratiquement rien).

Par contre, on peut évaluer l'importance de la population et de l'habitat à partir de chiffres bien précis relevés aux Archives du Pas-de-Calais. Nous savons qu'un feu (ou foyer), compte environ 4 à 5 âmes (ou habitants). Le tableau ci-dessous nous montre que la population, comme celle de tout l'Occident, n'a guère augmenté entre les années 1300 et 1700. Par contre, la croissance du XVIIIème siècle fait qu'elle atteint son maximum en 1846. Puis, elle décroît jusqu'en 1954 pour remonter régulièrement jusqu'à aujourd'hui où le dernier recensement nous crédite de 1567 habitants.

Tableau montrant la progression de la population :

Epoque
Mametz
Crecques
Marthes
Total
Entre 1296 et 1302
29 feux (incomplet ?)
25 feux
33 feux
88 feux
1469
42 feux
26 feux
34 feux
102 feux
1698
257 habitants
163 habitants
109 habitants
529 habitants
1790
416 habitants
282 habitants
220 habitants
918 habitants
1820
569 habitants
384 habitants
291 habitants
1244 habitants

Avant 1822, nos trois villages sont biens distincts. Sur le plan religieux, Mametz est Paroisse, Marthes est succursale de Blessy et Crecques succursale de Bomy. Au civil, chaque village est une commune indépendante et le Dictionnaire Historique du Pas-de-Calais nous livre quelques caractéristiques pour chacune d'elles :

MAMETZ : Comme Blessy, Mametz est renommé pour la culture du tabac. Au XVIIIème siècle, la récolte de cette plante était déjà assez importante pour donner lieu à des difficultés entre les Abbayes de Saint Bertin (Saint Omer), de Saint Jean au Mont (Thérouanne) et les habitants de Mametz. Ces Abbayes demandaient à exercer le droit de dîme sur le tabac, ce que contestaient les mametziens. Par arrêt du Conseil d'Artois en date du 18 août 1773, les habitants furent condamnés à payer la 15ème botte aux décimateurs.

Il existait, de temps immémorial, dans l'église, une Confrérie placée sous le patronage de Notre-Dame de BRUCHlNE et dont le but était d'être préservé de la peste et d'autres maladies contagieuses très communes dans le pays. Cette Confrérie devint, au XVIIème siècle assez nombreuse pour attirer l'attention bienveillante de Rome et, par une Bulle du 20 septembre 1702, le Pape CLÉMENT VIII lui accorda des indulgences. A l'époque de la Terreur, la statue vénérée à Mametz offusqua les gouvernants de l'époque qui envoyèrent des soldats avec l'ordre de l'arracher de l'autel et de l'apporter à Aire. Mais, selon la tradition orale, le fardeau se fit de plus en plus lourd pour les soldats qui, harassés de fatigue, jetèrent leur précieux fardeau dans un fossé après l'avoir mutilée. Des habitants du village l'ayant récupérée la cachèrent jusqu'à ce que les églises fussent rendues au culte. Une question se pose : quelle est l'origine de ce mot BRUCHINE ? Nous n'avons aucune certitude à ce sujet. Les historiens sont portés à croire que ce mot est tiré de l'état marécageux et inculte, couvert de buissons (en patois local : bruchons), dans lequel se trouvait anciennement le pays où la Vierge était honorée. L'auteur de ces lignes a recueilli une autre version de la bouche d'un “ ancien ” aujourd'hui disparu : la statue ancestrale aurait été trouvée dans un “ bruchon ” (au lieu-dit : Ches bos d'l'hayure) avant d'être livrée à la dévotion des fidèles. C'est par ailleurs l'explication classique donnée, de temps immémorial par les pèlerins, à l'origine des statues des chapelles vouées à la Vierge Marie ou a un saint particulier.

MARTHES : Siège de plusieurs fiefs de la régale de Thérouanne. Son histoire est pauvre en anecdotes. Nous savons que le village se situait sur l'itinéraire emprunté par les charbonniers qui allaient se ravitailler en tourbe à Blessy, il nous reste le “ Chemin des Charbonniers ”. Le château s'élevait à l'endroit que nous appelons aujourd'hui MONBUS qui, à l'origine s'écrivait MAUBUS (textuellement : mauvais bois). Comme il a été dit plus haut, nous ne connaissons pas la date de destruction de ce château dont la ferme devait être l'actuelle ferme de la famille Venel. La dernière héritière de la Famille de Maubus, Melle de GHELUVELT qui habitait en Belgique a vendu les terres de ce secteur dans un passé pas si lointain (vers 1960). Mais les plus anciens se souviennent de l'énumération des membres défunts, faite au prône du dimanche par le Curé de Mametz qui devait, à l'évidence, s'acquitter de ce qu'on appelait une “ fondation à perpétuité ” qui assurait à ses bénéficiaires les prières de l'assemblée réunie pour la Messe dominicale.

CRECQUES : Dans l'église, une pierre tombale sur la sépulture de Pierre François BOURDREL, bailli de ce lieu, décédé le 24 janvier 1749, de son épouse et de sa fille. La famille BOURDREL dont les descendants habitent encore le village y est installée depuis le XVIème siècle et elle est présente, au long des années, dans tous les événements de la vie communale. Dans le mur septentrional de l'église est encastrée extérieurement une dalle indiquant la sépulture d'Antoine PETTE et de sa famille (1740, 1744 et 1745). Sur une pierre de la ferme BAURAIN, une date : 1706 et, dans la ferme de Clément BOURDREL, une pierre de grès est gravée d'armoiries avec la date 1589. Cette pierre, dont on ne connaît pas l'origine aurait servi de clé de voûte à un édifice quelconque. Malheureusement, ces deux vestiges, cités par le Dictionnaire Historique ont été détruits ou recouverts et il semble impossible de les remettre à jour. Dommage…

Continuons notre promenade à travers le temps. Nous traversons près d'un siècle de calme relatif avant la grande tourmente révolutionnaire, ce qui a permis à nos villages de se développer, aux cultures de s'étendre et aux chemins de communication de se créer, afin de permettre les échanges nécessaires à une époque en pleine mutation.

Dans “ Villes et Villages du Pas de Calais en 1790 ” ( 6 ), on peut constater que MAMETZ, sans être une commune opulente, est néanmoins dotée de tout ce qui, à ce moment-là, est nécessaire pour vivre au quotidien sans être dans la misère : des chemins, des ponts, une rivière (à curer... , déjà... !), un moulin à eau, un moulin à vent (à Monbus), une église et son presbytère, un curé : Pierre Joseph BERTIN, un vicaire : P. DEMAGNY, quelques revenus pour “ la table des pauvres ” et surtout, 35 mesures de biens communaux où peuvent paître les bestiaux. MARTHES fait état de terrains (Le Rietz et “ Chel'Becque ”), une église, un curé : J. J. DECROIX et un vicaire : A. DELEPOUVE. Par contre, CRECQUES n'a pas répondu au questionnaire qui avait été envoyé à chaque commune, ce qui nous prive de renseignements précis. Il n'y a pas eu de biens communaux déclarés au Vingtième de 1791 (ce qui semble étonnant car, si les biens indivis entre Crecques et Rebecques feront l'objet d'une longue polémique au XIXème siècle, le grand marais est déjà connu comme appartenant en propre à Crecques). On sait aussi que le village a une église et un curé : M. CLEUET.